Tchernobyl

Tchernobyl (26/04/1986, UKR, INES Niv.7)


Résumé

Dans leur conception initiale, les RBMK présentaient des faiblesses significatives du point de vue de la sûreté. En particulier : une instabilité importante du réacteur à certains niveaux de puissance, un temps de réaction trop long du système d’arrêt d’urgence et l’absence d’enceinte de confinement autour du réacteur.

De plus, faute de préparation suffisante des conditions nécessaires à l’essai prévu, et par manque de temps lors de sa réalisation, les opérateurs n’ont pas respecté toutes les règles de conduite. Ils ont par ailleurs commis des violations de règles en inhibant de très importants systèmes de sécurité.


Description du site

La construction de la centrale de Tchernobyl a fait suite aux décisions prises par l’Union Soviétique en 1966 de développer largement la production d’énergie d’origine nucléaire. Les réacteurs de type « RBMK » ont été développés à partir de cette date, et six réacteurs nucléaires de cette filière, d'une puissance unitaire de 1000 mégawatts électriques (MWe) chacun, devaient être mis en service sur le site de Tchernobyl :
  • Le réacteur numéro 1, mis en service en septembre 1977, a été arrêté en novembre 1996. Son maintien en fonctionnement aurait nécessité de très importants travaux. 
  • Le réacteur numéro 2, qui a démarré en décembre 1978, est hors service depuis 1991, à la suite d’un incendie dans la salle des machines. Les autorités ukrainiennes ont décidé de sa mise à l’arrêt définitif en mars 1999. 
  • Le réacteur numéro 3 a été mis en service en 1981. Après 1995, il a subi de nombreux arrêts pour des opérations de maintenance, de contrôle et de réparation. En application d’une décision prise en juin 2000, les autorités ukrainiennes l’ont arrêté définitivement le 15 décembre 2000. 
  • Le réacteur numéro 4, mis en service en 1984, a explosé le 26 avril 1986. 
  • La construction des réacteurs 5 et 6 a démarré en 1981 et a été abandonnée à la suite de l’accident. 
Le site ne produit plus d'électricité depuis l'an 2000.

Type et caractéristiques du réacteur

La tranche n°4 de la centrale de Tchernobyl est un réacteur de 1000 MWe en service depuis 1983. Il s’agit d’un réacteur de type RBMK, une conception soviétique des années soixante. Le coeur du réacteur est constitué d’un imposant bloc de graphite traversé par des canaux verticaux dans lesquels sont placés des tubes de force qui renferment chacun plusieurs assemblages de combustibles nucléaires. Le graphite assure le rôle de modérateur : la réduction de la vitesse des neutrons est nécessaire à l’entretien de la réaction en chaîne. Le refroidissement est assuré par de l’eau bouillante circulant à l’intérieur des tubes de force au contact du combustible.

Le site étant définitivement fermé sur décision des autorités ukrainiennes en mars 1999 il n’apparaît donc plus sur la table AIEA des réacteurs en fonction au 31/12/2009.


Chronologie de l’accident

Le 25 avril au matin, les opérateurs entament la procédure de réduction de la puissance.

Entre 13 heures et 23 heures, contrairement au programme initial de l’essai, le réacteur est maintenu à mi-puissance, à la demande du centre de distribution électrique. 

Vers 23 heures, la réduction de puissance reprend. Mais l’état du réacteur est alors inapproprié à la réalisation de l’essai : le coeur est très difficile à contrôler avec les moyens disponibles. Une stabilisation du réacteur était à ce stade nécessaire. Mais pressés de rattraper le retard du programme, les opérateurs décident de réaliser l’essai malgré tout. 

Le 26 avril à 1 h 23’ 04”, l’essai démarre : les vannes d’alimentation en vapeur de la turbine sont fermées. La température monte dans le coeur provoquant une augmentation de la réactivité. Le réacteur se met à diverger de manière incontrôlable. À ce moment, les opérateurs réalisent la gravité de la situation. 

À 1 h 23’ 40”, le chef opérateur ordonne l’arrêt d’urgence ; la totalité des barres commencent à descendre dans le cœur, mais n’ont pas le temps d’arrêter la réaction en chaîne : la divergence est devenue trop rapide. 

À 1 h 23’ 44”, le pic de puissance est atteint, dépassant de plus de 100 fois la puissance nominale du réacteur. C'est l'explosion qui a conduit à la catastrophe que nous connaissons.


Causes de l’accident

L'accident s'est produit lors d'un exercice qui avait pour but de prouver que la centrale pouvait être relancée d'elle-même à la suite d'une perte totale du réseau électrique. La centrale était pourvue de générateurs diesel, mais ceux-ci mettaient 15 secondes pour démarrer et de 60 à 75 secondes pour arriver à leur puissance maximale. Ce laps de temps étant considéré comme trop élevé, l'objectif était d'utiliser l'énergie cinétique du turbo-alternateur pour relancer les pompes de recirculation primaires pendant cette période. C'est ce qu'on appelle communément un "essai d’îlotage".

Cet essai d'îlotage était prévu sur le réacteur n°4, pour tester l'alimentation électrique de secours qui permet au réacteur de fonctionner en toute sécurité pendant une panne de courant. La puissance thermique du réacteur avait été réduite de 1 000 MW à 200 MW dans le cadre de ce test dans la nuit du 25 au 26 avril 1986.

L'expérience était initialement prévue dans la journée du 25 avril, mais une autre centrale électrique tomba en panne et le centre de régulation de Kiev demanda de retarder l'expérience car son énergie était nécessaire pour satisfaire la consommation électrique de la soirée. À 23 h 04, le centre de régulation de Kiev donna l'autorisation de reprendre l'expérience.

L'accident s'est alors produit à la suite d'une série d'erreurs commises par les techniciens de la centrale en supprimant sous les ordres de leur supérieur, Anatoli Diátlov, plusieurs sécurités. Les opérateurs ont notamment violé des procédures garantissant la sécurité du réacteur et donc de la centrale. Enfin, depuis sa mise en service en1977, la centrale est dirigée par Viktor Petrovitch Brioukhanov, un ingénieur en thermodynamique et non un spécialiste du nucléaire. Il fait partie d'une génération d'hommes promus grâce à « leur volontarisme militant, qui consistait d'abord et avant tout à remplir et dépasser le plan de production, nonobstant le respect des normes de construction ou de sécurité ».
Les réacteurs RBMK, de par leur conception, sont instables à faible puissance avec du combustible peu enrichi comme c'était le cas. Cet exercice a été conduit à une puissance trop faible et en plein pic Xénon et Iode : ce phénomène est qualifié d'« empoisonnement du réacteur ». La conduite à tenir à ce stade aurait été d'arrêter le réacteur pendant un à deux jours en maintenant un refroidissement permanent le temps que l'iode et le xénon se désintègrent naturellement.

Le réactif de l'explosion est le liquide caloporteur, en l'espèce de l'eau légère. La chaleur aurait provoqué la radiolyse de l'eau, puis la recombinaison de l'hydrogène et de l'oxygène libérés aurait provoqué l'explosion qui a soulevé la dalle de béton recouvrant le réacteur. Selon d'autres experts, l'explosion serait une explosion de vapeur, conduisant aux mêmes conséquences. Le graphite incandescent après l'explosion a fait fondre la gaine des crayons d'uranium, en zirconium et s'en est suivie la fusion de l'uranium lui-même qui dégagea des gaz et particules hautement radioactifs qui ont contribué à la contamination des nuages. L'incendie a été entretenu par la suite par la combustion du graphite. Il n'y a donc pas eu d'explosion nucléaire : si le point de départ est bien une réaction nucléaire en chaîne, c'est bien une réaction chimique ou une surpression de vapeur, et non une réaction nucléaire qui a provoqué la catastrophe.

Conséquences de l’accident

Le volume 1181 des Annales de l’Académie des Sciences de New-York, intitulé «Tchernobyl : Conséquences de la catastrophe sur la population et l’environnement», des professeurs Nesterenko, Yablokov et du Dr Nesterenko, vient d’être publié en français.

Les conséquences sanitaires sont évoquées ici. Les conséquences d'un accident nucléaire sont évoquées plus généralement dans la page du même nom du blog.

L'IRSN a, à l'aide des nouvelles modélisations, publié en 2006 une cartographie du nuage radioactif au dessus de l'Europe entre le 26 avril 1986, date de l'accident, au 10 mai 1986.

En avril 2020, des feux ravagent 800km² de forêt dans la zone contaminée. Ils remettent en suspension d'importantes quantités de radionucléides, notament du Cs137. Résultats des mesures en France. cf. Repères n°46.

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